Principes Fondamentaux

Certains principes fondamentaux doivent être en permanence présents à l’esprit de l’Avocat ou Défenseur judiciaire. Ils lui garantissent en effet de pouvoir exercer ses fonctions de manière complète, professionnelle et efficace.

Les grands principes tirés de la Constitution et des Traités Internationaux évoquent des droits fondamentaux. Ils ont aussi et surtout des répercussions directes applicables au quotidien.

  1. Le droit d’être informé de ses droits et des motifs de son arrestation

En RDC, ce droit est constitutionnellement garanti. En effet, l’article 18 de la Constitution de 2006 telle que révisée en 2011 dispose que « toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil. La garde à vue ne peut excéder quarante-huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité ».

De plus, lors d’une arrestation, un procès-verbal d’arrestation doit être signé par l’OPJ et la personne arrêtée, après lecture ou traduction en langue du choix de cette dernière. Ce document doit obligatoirement mentionner le motif de l’arrestation.

Ce droit doit de même être observé devant le magistrat instructeur et devant les tribunaux.

  • La présomption d’innocence

Le principe de la présomption d’innocence est la base de la protection de la liberté individuelle.

La présomption d’innocence en tant que principe constitutionnel implique l’interdiction de l’affirmation de la culpabilité avant tout jugement et fait peser la charge de la preuve sur le Ministère public. Ce dernier à la responsabilité d’instruire l’affaire à charge ET à décharge. Le cas échéant, il doit présenter des preuves qui soutiennent son accusation devant le tribunal répressif, qui seul peut trancher sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé1.

La présomption d’innocence est clairement affirmée par l’article 17, alinéa 9 de la Constitution en ces termes : « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif ». Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité ».

Le Statut de Rome, à l’article 66, reprend la même formulation. L’article 11, alinéa 1er, de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. Et l’article 14, alinéa 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) renchérit en

Disposant que toute personne accusée d’une infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Ce principe fondamental du droit pénal a trois conséquences majeures dont il faut faire un leitmotiv de défense :

  • Elle s’oppose nécessairement à l’idée de détention provisoire : passant de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la présomption d’innocence est attachée non seulement à la liberté individuelle, mais également à la nécessité de la garantir. La liberté individuelle est vue comme une des formes de la faculté qui consiste précisément à aller et à revenir où l’on veut et quand l’on veut. Elle est la règle d’or sur laquelle les droits de l’homme se tarifient pleinement dans leur humanité juridique et surtout dans leur promotion. Dans bien de cas où les prévenus n’ont pas ou ont peu de garanties de représentation pour un contrôle judiciaire, il faut rappeler ce principe aux Officiers du Ministère Public (Magistrats du parquet) qui usent de la détention provisoire comme d’une mesure anodine
  • Elle fait peser la charge de la preuve (de toutes2 les preuves) sur l’accusation et influence donc considérablement la méthodologie de défense (voir Stratégies de défense).
  • Le procès doit respecter le contradictoire : il doit être oral du procès pénal, et public. Le dossier pénal doit être accessible à la défense, qui doit pouvoir apporter des pièces au dossier.
  • Le droit à un procès équitable

Les articles17, 18 et 19 de la Constitution de la République Démocratique du Congo garantissent en principe que chacun devra être jugé :

  • Équitablement ;
  • Dans un délai raisonnable ;
  • Publiquement ;
  • Avec toutes les garanties nécessaires à sa libre défense.

En matière pénale, tous les avocats ou défenseurs judiciaires travaillent au quotidien avec un Code Pénal et un Code de Procédure Pénale et d’autres textes de lois complétant ou modifiant, révisant le code pénal et le code de procédure pénal. Ces instruments juridiques sont le reflet de la Constitution et doivent donc comporter ces éléments fondamentaux. En pratique, il arrive que les codes soient muets sur certains points ; c’est le cas en R.D. Congo, comme partout d’ailleurs.

On doit donc garder en mémoire que le Juge est soumis à la loi et à la constitution, et que les articles consacrant les principes fondamentaux du droit permettent d’invoquer toutes ces règles devant lui. Dès lors, même si le Code de procédure pénale est muet là-dessus, les Avocats ou les défenseurs judiciaires ont le devoir d’exiger :

  1. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable

L’article 19 de la Constitution de 2006 telle que révisée en 2011 dispose : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent ». Le délai raisonnable pose problème en ce sens que la loi ne précise en général pas ce délai.

Toutefois, la loi n°06/01 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30/1/1959 portant le code de procédure pénale congolais dispose à l’article 7 bis que sans préjudice des dispositions relatives à la procédure de flagrance, l’enquête préliminaire en matière de violence sexuelle se fait dans un délai d’un mois maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire. L’instruction et le prononcé du jugement se font dans le délai de 3 mois maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire.

Cette loi ne prévoit cependant pas de sanction en cas de non-respect des délais. Dans la pratique des juridictions de la province du Sud-Kivu, l’expérience d’IBJ montre que ce délai légal est rarement observé.

  • Le droit d’être jugé publiquement

Ceci est posé à l’article 20 de la Constitution de la RD Congo qui dispose ce qui suit : « les audiences des cours et tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit jugée dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs. Dans ce cas le tribunal ordonne le huis clos ». La publicité des débats favorise l’équité. La libre défense impose de ne pas poursuivre les Avocats ou défenseur judiciaire pour les propos qu’ils pourraient tenir dans le cadre de leur plaidoirie (immunité de la plaidoirie). Celle-ci doit demeurer entièrement libre de toute censure. A ce principe s’applique une double réserve : d’une part l’outrage et l’insulte demeurent condamnables pénalement et déontologiquement ; d’autre part, la liberté de parole de l’Avocat ou du Défenseur judiciaire n’est plus la même à la sortie de la salle d’audience et devant la presse. En outre, l’immunité de la plaidoirie ne disculpe pas l’avocat ou le défenseur judiciaire au respect de son serment et de principe de la déontologie professionnelle.

  • Le droit d’être jugé équitablement et avec toutes les garanties nécessaires à sa libre défense : égalité des armes

Il n’y a aucune différence de jugement entre les congolais à comparaître. Comme vu plus haut, l’article 18 de la Constitution dispose que chaque Congolais a le droit d’accéder à toutes les garanties nécessaires quant au bon déroulement de la procédure judiciaire. La Constitution de la RDC précise ainsi que toute personne arrêtée, sans distinction, dispose des mêmes droits.

Chaque personne, peu importe son sexe, son âge ou encore sa religion, a droit à un traitement égal et pourra, par exemple, au même titre qu’un autre détenu en garde à vue, arrêté, ou détenu, entrer en contact avec sa famille ou avec son conseil. Et par cet article, il est possible de comprendre qu’ainsi chaque personne est au même titre qu’une autre personne informée de ses droits et des motifs de son arrestation. C’est un droit commun.

  • Le principe de la responsabilité pénale individuelle

L’article 17 de la Constitution protège toute personne contre toute forme de responsabilité pénale collective ou du fait d’autrui. En effet, il dispose clairement que « la responsabilité pénale est individuelle. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour fait d’autrui ».

Ainsi, le fait d’arrêter une personne pour le fait d’autrui est constitutif de l’infraction d’arrestation arbitraire prévue et punie par l’article 67 du Code pénal disposant qu’« est puni d’une servitude pénale d’un à cinq ans celui qui, par violences, ruses ou menaces, a enlevé ou fait enlever, arrêté ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quelconque ».

Lorsque la personne enlevée, arrêtée ou détenue a été soumise à des tortures corporelles, le coupable est puni d’une servitude pénale de cinq à vingt ans. Si les tortures ont causé la mort, le coupable est

condamné à la servitude pénale à perpétuité, conformément à la loi No 11/008 du 9 juillet 2011 portant criminalisation de la torture.

  • Le principe de légalité et de non-rétroactivité

Ce principe est consacré par l’adage « nullum crimen, nulla poena sine lege ».

L’article 17 de la Constitution de 2006 telle que révisée en 2011 consacre le principe de la légalité de la loi pénale et de non-rétroactivité. Il dispose que « nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit. Nul ne peut être poursuivi pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction au moment où elle est commise et au moment des poursuites. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction à la fois au moment où elle est commise et au moment de la condamnation. Il ne peut être infligé de peine plus forte que celle applicable au moment où l’infraction est commise ».

Article 11 al 2 de la déclaration universelle des droits de l’homme : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’acte délictueux a été commis ».

  • Le droit d’être assisté d’un avocat

Le droit à un avocat ou à un défenseur judiciaire, est un droit central pour l’équité de la justice. Il repose sur l’idée que la complexité des procédures et les pouvoirs importants de l’accusation requièrent une défense qualifiée qui rééquilibre la procédure et accorde une chance égale aux parties de présenter leurs prétentions.

L’article 19 de la Constitution de la RDC de 2006 telle que révisée en 2011 dispose à cet effet que « Le droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité ».

De son côté, l’alinéa 3 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : […] si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ».

L’article 73 du décret du 6 août 1959 portant code de procédure pénale dispose que chacune des parties peut se faire assister d’une personne agréée spécialement dans chaque cas par le tribunal pour prendre la parole en son nom : « Sauf si le prévenu s’y oppose, le Juge peut lui désigner un défenseur qu’il choisit parmi les personnes notables de la localité où il siège. Si le défenseur ainsi désigné est un agent du Congo belge, il ne peut refuser cette mission, sous peine de telles sanctions disciplinaires qu’il appartiendra ».

À noter : Depuis 1968 et l’ordonnance loi n° 79/028 du 28.09.1979 portant organisation du Barreau, le monopole de la représentation en justice est reconnu aux avocats et défenseurs judiciaires. Il convient de lire l’article 73 du décret du 6 août 1959 d’avec ce texte postérieur.

L’Article 237 de la loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire dispose : Le président fait comparaître le prévenu ; celui-ci se présente librement devant la barre et seulement accompagné de gardes. Il est assisté de son conseil.

Organisation de l’assistance juridique et judiciaire gratuite :

L’article 74 de l’ORDONNANCE-LOI 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’État dispose qu’il est interdit à l’avocat (défenseur judiciaire) de refuser ou de négliger la défense des prévenus et l’assistance aux parties, dans le cas où il serait désigné.

Dans la pratique, l’assistance « pro deo » est conditionnée par la demande de toute personne (accusées, inculpées, prévenues) ayant besoin de l’aide légale, et qui prouve son indigence par l’attestation délivrée par l’Officier de l’état civil ou son préposé du lieu de sa résidence ; cette demande est adressée soit au Barreau soit au Corps des Défenseurs judiciaires près le Tribunal saisi afin de lui désigner un Conseil.

Il arrive tout de même que pendant l’audience, le Juge constate l’état d’indigence d’un prévenu ou d’un enfant en conflit avec la loi et que, soit pour l’équilibre de défense, soit du fait que la peine encourue est supérieure à 5 ans de prison, il désigne d’office un défenseur judiciaire présent à l’audience pour l’assistance pro deo, ou requiert le Syndic (responsable du Corps des Défenseurs judiciaires) ou le Bâtonnier aux fins de désigner un conseil pro deo.

L’article 63 de la loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire dispose : Le juge militaire procède à la désignation d’un défenseur au profit d’un prévenu au cas où celui-ci n’en aurait pas choisi.

L’article 73 al 3 du code de procédure pénale déjà cité dispose que sauf si le prévenu s’y appose, le juge peut lui désigner un défenseur qu’il choisit parmi les notables de la localité où il siège. Si le défenseur ainsi désigné est un agent du Congo-Belge, il ne peut refuser cette mission sous peine de telles sanctions disciplinaire qu’il appartiendra.

Enfin, l’article 14 Al 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise mieux que

« Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes: […] si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ».